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« Nuit de l'élevage en détresse » La grande distribution craint que « cela ne tourne mal »

Paris, 3 juil 2015 (AFP) - Les grands distributeurs français, cibles de plusieurs attaques lors de la « Nuit de l'élevage en détresse », ont témoigné vendredi de leur désarroi et de leur incompréhension : ils assurent respecter leurs promesses de payer plus cher les producteurs et craignent que cela dégénère.

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« La tension est très forte. Nos salariés sont désemparés et ne comprennent pas pourquoi ils sont ainsi la cible d'attaques, alors que chez nous, les consignes d'appliquer les revalorisations tarifaires ont été très claires et ont été appliquées », a déclaré vendredi à l'Afp Michel-Édouard Leclerc, patron des centres de distribution éponyme. « On est dans une situation explosive. Nous, on est prêts à accepter des hausses de nos fournisseurs, des salaisonniers, des gens qui nous vendent de la viande fraîche. Mais ce n'est pas nous qui détenons la solution », a renchéri un représentant de Système U. L'enseigne d'indépendants, comme beaucoup d'autres distributeurs, explique ne pas être un opérateur direct sur les marchés de la viande ou du lait. Elle doit passer par des abattoirs ou des transformateurs industriels pour s'approvisionner.

Plusieurs milliers d'agriculteurs, éleveurs et producteurs de lait, ont manifesté jeudi dans toute la France mais principalement dans l'Ouest à l'appel de la Fnsea et des JA (Jeunes Agriculteurs) pour dire leur « ras-le-bol » face à l'absence de remontée des prix. En Ille-et-Vilaine, une trentaine de sites, essentiellement des grandes et moyennes surfaces, mais aussi des laiteries et des abattoirs, ont fait l'objet d'actions.

Pas les bonnes cibles

Dans le Finistère, un supermarché Lidl de Quimper a été particulièrement touché, avec notamment des caisses explosées et l'allumage d'un feu à l'intérieur du magasin. « C'est un véritable désastre. Quimper est notre plus gros magasin de l'ouest de la France, il va être fermé pendant plusieurs jours, voire semaines. Cela va nous coûter des millions d'euros pour tout remettre en état, sans compter le manque à gagner », a expliqué le responsable des achats de Lidl France, Michel Biéro.

Si l'enseigne déclare comprendre la colère des agriculteurs, elle explique que cette exaspération « n'est pas tournée vers les bonnes personnes ». « Lidl a respecté tous ses engagements et a bien revalorisé tous ses prix depuis le 22 juin. Ce sont les industriels transformateurs qui ne jouent pas le jeu. Nous, on leur paye 10 centimes de plus sur chaque produit depuis deux semaines, et les éleveurs n'en ont reçu que deux. Les industriels se font du gras sur notre dos et c'est sur nous que s'abat la colère des éleveurs alors que nous avons tenu nos engagements, donc je suis aussi un peu énervé », a témoigné Michel Biéro.

Chez Leclerc aussi, le désarroi laisse parfois place à l'exaspération. « Nos chefs bouchers ont acheté exprès de la viande plus cher et en plus grande quantité pour essayer de faire remonter les prix, et on vient les casser. Ça sert à quoi de vouloir bien faire si c'est pour être traité de la sorte ? » demande Michel-Édouard Leclerc. « À ma connaissance, tous les distributeurs, Leclerc et Intermarché en tête, ont respecté leurs engagements. Après est-ce que les industriels le font, moi je n'en sais rien », a-t-il ajouté, expliquant que si les saccages continuent, cela risque à terme de se révéler « contre-productif » pour la cause des agriculteurs.

Système U, chez qui les dégâts ont été nombreux avec des « magasins tagués, des abris de chariots brûlés, des gravats et du fumier déversés », indique également craindre les « risques et les conséquences incontrôlables » de nouvelles actions. « On ne peut qu'attendre et subir. Je crains que tout cela ne tourne mal », a expliqué vendredi un représentant de l'enseigne, appelant à « la responsabilité de tous les acteurs de la filière et des pouvoirs publics ».

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